Si cet ouvrage suscite l’unanimité, c’est bien pour la qualité technique de sa réalisation mais aussi sur la qualité de son environnement, qui attire les populations locales comme les touristes sur l’eau ou sur les berges.
Après trois siècles d’existence le canal a fini par se fondre dans le paysage au point que certains semblent avoir oublié qu’il s’agissait d’une création totalement artificielle. Comme il est rappelé dans les documents préparatoires à l’enquête, et préalablement dans le livre Blanc de 1997, le canal est avant tout une infrastructure de transport, dont la première fonction reste la navigation, sans laquelle le canal perdrait tout son sens.
Le canal du Midi possède ainsi deux atouts fondamentaux : sa fonction première de navigation, et un environnement paysager particulièrement attractif, même si la voûte végétale qui permettait de “vendre” le canal dans le monde entier est en train de disparaître.
Considérant que les collectivités ont compris l’intérêt économique du canal du Midi, mais que celui-ci vient justement de son intérêt patrimonial, il est fondamental de préserver son caractère simili-naturel en conservant son aspect sauvage, en s’appuyant sur ce qui constitue le sens même de l’ouvrage, la navigation et plus particulièrement la navigation commerciale de péniches, pour le transport de marchandises et le transport de passagers. C’est ce qui semble être sous-jacent dans le projet de classement des abords du canal.
Cependant, le canal et ses abords étant avant tout des lieux de vie et supports d’activités économiques, le classement ne doit pas être un handicap pour ceux qui y vivent et y travaillent.
Ces activités ne doivent pas être toutes considérées sur le même plan : les activités historiques, (agriculture et navigation commerciales), doivent pouvoir bénéficier des infrastructures qui leur sont indispensables : hangars agricoles, quais, équipements nécessaires aux activités de transport de passagers ou de marchandises, bassins de virements, etc… Et s’il est nécessaire de classer les abords du canal, il faut, comme il est dit dans le document de référence, traiter au cas par cas pour autoriser ce qui est nécessaire aux activités humaines pré-citées, tout en prenant garde à la qualité architecturale et environnementale du bâti réalisé.
Dans les différents documents préparatoires, le champ du patrimoine couvre également l’activité humaine et la mémoire, et la fonction transport se trouve au même plan que les autres usages du canal.
Les pires dommages qu’a eu à subir le canal sont la conséquence directe de son attrait touristique qui a suscité la construction de lotissements à proximité immédiate des berges, et d’infrastructures liées au tourisme fluvial. Creusement de ports, accumulation de bateaux de locations défigurant les abords du canal, qui constituent autant de taches sur ce patrimoine classé. Un véritable gâchis environnemental et une perte d’identité du canal.
C’est sans aucun doute sur le développement des activités touristiques, sur les berges comme sur l’eau, qu’il faudra être le plus vigilant afin que ne soit pas définitivement défiguré le canal, et qu’ainsi disparaisse ce qui est son atout majeur. Il suffit de regarder les images utilisées pour faire la promotion du canal, ou celles utilisées pour la campagne de replantation des berges, elles représentent un paysage arboré, campagnard, des berges semi-sauvage, qui disparaîtront si le tourisme devient le seul enjeu économique sur le canal.
Et c’est sur le retour aux fondamentaux du canal, sur lesquels il a vécu pendant trois cents ans, sur ce lien profond entre les productions agricoles et le canal qui les a transportées, qu’on préservera son avenir et sa transmission aux générations futures. Et ainsi recréer des emplois pour une activité pérenne faisant vivre le canal à l’année, en s’intégrant dans une volonté locale de transition écologique.
Le classement des abords du canal du Midi doit pouvoir empêcher qu’il ne devienne un Luna Park, un Riquet Land, mais il ne doit pas non plus en faire un musée.